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[BACKGROUND] Grispil Snorrison du clan Runargent

 
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Grispil
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MessagePosté le: Vendredi, le 07 Mai 2004 à 12:26    Sujet du message: [BACKGROUND] Grispil Snorrison du clan Runargent Répondre en citant

Chapitre 1 : Naissance et apprentissage de Grispil Runargent

Tout commence en plein cœur de l’hiver, par une nuit étoilée. Année 403, soyons précis. Il faut bien l’être, car il sera sujet dans cette histoire de la race des nains, et les nains, en plus d’être fiers et nobles – quoique bornés, mais là n’est pas le propos – peuvent se féliciter d’être les gens les plus précis et les plus pointilleux de ce monde. Tout commence, donc, dans la citadelle d’Ironforge, quartiers ouest, second niveau, Demeure ancestrale de La Très Respectable Maison des Runargent, Remplis Soient Leurs Fûts, et Longues Leurs Barbes. Il est tard, mais l’évènement est d’importance pour Snorri et Brigid Runargent. Rendez vous compte : cela ne fait qu’un an que le petit Björn est venu au monde, et la naissance de son frère vient à nouveau combler deux parents déjà ivres de fierté. Grispil, oui, Grispil Runargent. Nous l’appellerons ainsi. N’est-il pas merveilleux ? Tout pour plaire : un regard étonné mais paisible (Il a tes yeux, Snorri !), un petit corps potelé (Il n’est pas chétif, on en fera un Thane !), un duvet qui recouvre déjà tout entier son minuscule visage (Par mes ancêtres, mais il est roux !). Et les réjouissances de durer jusqu’au petit matin, car rappelons-le, les nains sont prompts à la célébration, et la naissance de l’un des leurs est un évènement assez extraordinaire pour faire tomber le masque de solennité qu’ils arborent dans leurs rapports avec le monde extérieur.

--

Nous sommes en 413, maintenant, et il est grand temps pour Grispil de rejoindre la guilde qui se chargera de son éducation durant son adolescence – une quarantaine d’années qui seront mises à profit pour qu’il lui soit inculqué les rudiments de son futur métier. Et c’est dans le Hall des Novices, dans ces longs couloirs sur les murs desquels se mêlent des motifs compliqués en bois sombre et fer forgé, qu’il attend d’être jugé par les grands maîtres des guildes. Tout porte à croire qu’il sera incorporé dans une confrérie où sont prônés les travaux guerriers : les Runargent, après tout, sont Thanes de père en fils depuis des générations. Et Björn, il y a un an, a brillamment réussi ses tests d’entrée. Aucune inquiétude à avoir. Non, vraiment pas.

Ca y est, on l’introduit dans une salle éclairée de mille feux. Tandis que ses yeux s’habituent peu à peu à la lumière mordante, les questions fusent.

« Nom, clan et antécédents ? »

« Grispil, Maison des Runargent, fils de Snorri Runargent, Vénérable Défenseur des Arts Guerriers et Membre de la Très Respectable…(il hésite)…Garde Personnelle du Haut-Roi Magni Bronzebeard. » Il est vrai que l’étiquette naine relève de la haute voltige pour un novice aussi inexpérimenté, mais il s’en sort plutôt bien.

« Quel guerrier nain fut le premier à décimer une horde d’envahisseurs gnolls dans les montagnes d’Altérac, il y a de cela plus de deux cent ans ? »

« Murgen Hammerfall, Maître. »

« Quelles sont les armes rituelles des Rois de la Montagne, les Thanes d’Ironforge ? »

« Kaznir et Valnir, Maître. La Hache et le Marteau ancestraux. »

« Bien. De quel bois doivent être faits les renforcements des tunnels des mines au sud de Dun Morogh ? »

« Je…je ne sais pas, Maître. »

Hochement de tête déçu du Grand maître de la guilde des Mineurs. Mais les Thanes arborent des mines plutôt réjouies. Le sort en est jeté, Grispil rejoindra son frère et recevra le même apprentissage.

--

Inutile de détailler quarante années de noviciat : il est à peu près certain que chaque nain de la Montagne Blanche se remémore avec force détails les aléas de son propre apprentissage ; quant aux lecteurs humains qui devraient tomber sur ces lignes, il ne leur est pas nécessaire de tout savoir des rites et des épreuves imposées aux futurs guerriers de l’armée du roi Magni (pour cela, reportez vous aux excellents ouvrages qui traitent de l’éducation dans la bibliothèque d’Ironforge, rayonnage trente-six, quatrième colonne). Non, non, faisons court : au bout de leur quarantième année, Björn et Grispil étaient devenus ce que l’on attendait d’eux, et faisaient la joie et la fierté de leurs parents. Ils avaient appris à se connaître mieux que quiconque, et les liens noués entre eux dépassaient le simple amour que se portent deux frères. Bien sûr, bien sûr, il y avait la rivalité, amicale, fraternelle, ancestrale même, mais rien qui aurait pu mener à cette détestable émotion qu’est la jalousie, et que les nains abhorrent par dessus tout. Et pourtant, ils étaient différents.

Björn était d’une stature plus épaisse ; ses épaules partaient d’un cou de taureau et moulaient sa cotte de mailles si étroitement qu’elle semblait s’être ajustée à elles. La largeur de sa poitrine donnait l’impression qu’il retenait en permanence un souffle puissant. Sourcils broussailleux, barbe presque effrayante, et regard d’un bleu topaze ; il était sûr de son allure et faisait merveille au champ de bataille. Les autres nains, cadets qui n’avaient pas gravi les échelons de la hiérarchie de la guilde aussi rapidement que l’avaient fait Björn et Grispil, avaient tout naturellement désigné cette silhouette trapue et ramassée comme leur chef incontestable. Le nain s’en était très vite accommodé et avait remporté de vifs succès en tant que chef de troupe. Quant à Grispil, il était plus réfléchi, moins violent. C’était aussi une sacrée tête brûlée, mais lui se considérait comme un stratège. C’est ça, un stratège.

Voici ce qu’en pensait son instructeur, c’est assez éloquent : nous sommes au terme des années d’étude des frères Runargent, et un enseignant-guerrier perplexe vient faire son rapport au patriarche Snorri.

« Mon cher Garmir ! C’est une joie de vous revoir après tout ce temps ! Mon fils a-t-il bien fait ? A-t-il marché dans les glorieuses traces de son frère ? »

« Salut à vous, Snorri, fils de Fadir ! », réplique Garmir. « Votre fils n’a pas démérité, et sa barbe sera longue, je le prédis, mais je dois vous faire part de son comportement quelque peu…particulier. Apprenez qu’il s’est rendu en armes lors de son examen final, accompagné de sa troupe, comme prévu. Cette année encore, il s’agissait de mener un raid contre les troupeaux de troggs qui s’agitent de temps à autre à la frontière. Souvenez-vous, l’an dernier, votre fils Björn en a massacré quatre-vingt sept, et a perdu seulement cinq de ses hommes. »

« Un résultat qui nous honore, oui ! Nous avons longuement chanté sa victoire. Mais Grispil ? » L’inquiétude semble prendre le pas sur la patience du vieux nain.

« Grispil a…innové. Pour tout vous dire, il n’est pas aussi formidable que son frère en combat rapproché, mais il a la fibre d’un grand stratège, soyez sans cr… »

« Parlez, Garmir ! Qu’a-t-il fait ? »

« Il…il a mené la majorité de ses troupes au combat avec des…arbalètes. »

Dire que le vieux Snorri est stupéfait à cette annonce relève de l’euphémisme. Furieux, criard, furibond sont des termes plus exacts pour décrire ce volcan d’injures qui vient d’entrer en éruption.

« Des armes de lâche ? Mon fils a terminé sa formation de soldat avec UNE ARME DE LÂCHE entre les mains ? Où est-il ? (les hurlements redoublent) Je veux tondre sa barbe de mes propres mains ! »

« Paix, mon ami ! »

« Il y a un temps pour la paix, et un autre pour la guerre, Garmir ! Attaquer à distance, attaquer dans le dos ! C’est indigne de notre maison, et inefficace qui plus est ! A-t-il au moins tué…ne serait-ce qu’une seule de ces créatures ? »

« L’expédition Kal Karaz, menée par Grispil Runargent, composée de cent arbalétriers et de quinze lanciers, a ramené au campement deux cent quarante six têtes de trogg. Aucune perte n’a été déplorée. »
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MessagePosté le: Vendredi, le 07 Mai 2004 à 12:27    Sujet du message: Répondre en citant

Chapitre 2 : Le jour des Thanes

Les deux années qui suivirent furent plutôt calmes. Il n’y eut pas de tonte de barbe, et aucun de ces massacres qui vous lavent l’honneur d’une maison naine en moins de temps qu’il n’en faut pour vider une chope – les aînés d’Ironforge rapportent de nombreux faits de ce genre, et l’impiété filiale, c’est un fait notoire, n’a pas droit de cité dans le fief du Haut-Roi Magni. Ces évènements sont toujours rapportés dans des sagas tragiques, toujours drapées de dignité ; cependant les nains sont tellement portés sur la théâtralité et l’embellissement des affaires sinistres de leur clan qu’il est préférable de ne pas prendre les récits de leurs drames familiaux pour argent comptant ; d’ailleurs, il vaut mieux arrêter là cette discussion et éviter, à l’avenir, de deviser de sujets aussi houleux. A notre histoire, donc. Grispil fut réprimandé par son père (une arbalète, mon fils, une arbalète !), puis félicité, puis sermonné à nouveau, et ceci de nombreuses fois. La situation, il faut bien l’avouer, était inédite, et il est important de souligner la révolution que représentait, à l’époque, l’usage d’armes de jet évoluées dans les rangs traditionalistes de l’armée d’Ironforge. Les instructeurs de la guilde de Grispil, qui admiraient l’audace dont il avait fait preuve, eurent vite fait de convaincre Snorri que les temps changeaient : comprenez-vous, votre fils ne pensait pas à mal, il est même digne de devenir thane, oui Snorri, sur mon honneur, thane ! Thane. L’honneur suprême pour un nain qui aspire à prouver sa valeur au combat. Le titre le plus prestigieux, décerné par le Haut-Roi en personne, celui qui donne accès à tout ce dont un nain peut rêver : considération de ses pairs, influence, et richesse. Il fait bon d’être riche, surtout en Ironforge, et là-bas plus qu’autre part, riche, on ne l’est jamais assez.

D’où l’excitation fiévreuse des rejetons Runargent lors de l’annonce spectaculaire de la nomination de nouveaux thanes, en cette Sainte Année 455. Un tel évènement était aléatoire, et dépendait du bon-vouloir du roi et de ses conseillers. En période de paix, les incorporations de jeunes rois de la montagne se faisaient rares. En temps de guerre, c’était différent. Et les trolls qui se massaient aux frontières de la région des Hautes Terres d’Arathi n’annonçaient pas de temps particulièrement tranquilles.

--
Inutile de décrire l’élan d’allégresse qui transporta Snorri. S’ils vont être élus ? C’est la fatigue qui te fait poser des questions pareilles, Targrim ? Pour sûr, qu’ils seront choisis ! Ecoute-moi bien. Quand bien même ils seraient deux, tu m’entends, seulement deux à être désignés, je te parie ma chope que ce sera sur mes fils que le seigneur Magni jettera son dévolu ! Comment ça, pari tenu ? Targrim, bougre de…! Et il en doute, en plus ! Il en doute !

Les tavernes d’Ironforge, dans les jours qui suivirent, furent gaies, d’humeur joyeuse, et les fous rires en fusaient plusieurs fois par heure, à mesure que les nains comparaient les différents candidats et vantaient les mérites de leurs favoris. On ridiculisait, on glorifiait, on pariait aussi, dans un pandémonium de plaisanteries, d’indignations outrées et d’encouragements.

Grispil et Björn, eux, s’entraînaient. Nul ne savait en quoi consistaient les épreuves qui leur seraient imposées dans les jours à venir. Björn ne s’inquiétait pas le moins du monde, pourtant. « Gare à ton crâne, mon frère, mon marteau pourrait bien faire une rencontre contrariée avec lui dans les jours à venir ! » ironisait-il. Les sarcasmes et les démonstrations inutiles de son invincibilité auto-proclamée pesaient chaque jour un peu plus sur le benjamin des Runargent. Ce n’est pas qu’il ne désirait pas entrer en lice pour le titre, non ; et il ne craignait pas de combattre : hormis contre son frère - et il subissait là de cuisantes défaites - il perdait rarement un combat en tête à tête. C’était plus un sentiment coupable, presque impalpable, une sensation d’illégitimité qui se renforçait petit à petit, comme s’était renforcée la rancœur de Björn lorsqu’il avait appris les résultats de la chasse de son frère contre les troggs. Alors non, il n’était pas fait pour vivre la vie de son frère, cette grandiose décadence qui se complaisait dans les effusions de sang et les éclats de gloire éphémères. Mais il savait qu’il se démènerait comme un beau diable pour briller aux yeux de sa famille, et pour accomplir la volonté de ses aînés.

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Hiver 455, nous y sommes. Un grand jour pour tous les habitants de la Montagne Blanche. Les mineurs ont quitté la carrière de Gol’Bolar, les forgerons ont revêtu leurs plus beaux atours, et certains membres du clan Wildhammer ont même fait le voyage depuis les Monts Aerie pour assister au spectacle. Ironforge n’a jamais été aussi resplendissante que pendant ces fêtes qui précèdent les épreuves : les feux d’artifices fusent dans les cieux, la citadelle grouille de monde, et les aubergistes de Kharanos ne savent plus où donner de la tête (devant l’affluence des visiteurs, on a du loger à la hâte les nouveaux arrivants dans les villages avoisinants). Le bruit est assourdissant sous la montagne d’Ironforge ; on dirait que c’est la voix d’airain des Titans, puissante, grave, rugissante, qui va s’entrechoquer contre la voûte et se répercuter en un écho terrible entre les centaines de piliers du Grand Hall, sans jamais vouloir expirer.

Grispil et Björn attendent avec leurs rivaux dans le palais royal. Tous arborent la même tenue rituelle : barbes et tresses défaites, le torse nu, et de simples braies en lin. Les pieds sont nus également. Flanquées sur leur aine et leurs hanches, des ceintures de bronze à l’ornementation recherchée, et assez hautes pour cacher une grande partie de leur torse. Les entrelacs et les nervures sculptés sur les ceinturons représentent des scènes de la construction de la Citadelle Eternelle. Tout cela est lourd, désagréable à porter, mais rien ne semble déranger les prétendants.

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La cérémonie commence. Si tout se passe bien, le porte-parole de Magni doit s’avancer, et annoncer d’une voix forte les clans des aspirants thanes, qui à la mention de leur nom sont supposés marcher jusqu’au trône, poser un genou à terre, et prononcer le serment des Initiés. Le page du roi prend la parole.

« Oyez la Très Sainte Parole de notre Grand Roi ! La situation est d’importance, et il tient à faire savoir à tous, avant le début de l’Epreuve Millénaire, qu’une grave nouvelle est parvenue à ses oreilles et qu’une décision capitale a été prise. La guerre est aux portes de la nation naine ! En ce moment même, les trolls de Zul’Aman percent les défenses de Stromgarde et vagabondent librement sur les terres de nos alliés du Nord ! Le moment est venu, peuple de Khaz Modan, de poser ta chope et de brandir ton marteau ! A cause de cet acte de guerre, il a été décrété que le nombre d’initiés serait restreint cette année, car la formation des rois de la montagne est longue et fastidieuse. Votre nation a besoin de vous ! En conséquence, seuls les aînés des clans auront le privilège, ce soir, de combattre devant leur souverain. J’invite donc les représentants de ces clans à me rejoindre. Approchez, premiers fils des familles Barbecendre, Runargent, Frontridé, Marteflamme, Poingbrillant, Bronzelance… »
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MessagePosté le: Samedi, le 24 Juillet 2004 à 11:37    Sujet du message: Répondre en citant

Chapitre 3 : La campagne de Stromgarde

La guerre. Cinquante années de guerre. Tout compte fait, ce n’était pas exactement à ça qu’aspirait Grispil, mais il n’avait pu se douter de rien, lorsque, du haut de ses dix ans, il avait répondu aux questions de ses enseignants dans le Hall des Novices. Bien entendu, il y avait le prestige, car il avait été nommé officier d’une unité d’arbalétriers, il y avait l’honneur aussi, celui de protéger sa patrie contre une horde de trolls, mais plus que tout, il y avait la rancœur, cette haine farouche de la fatalité qui frappe implacablement, à l’aveuglette, et qui empêche les grandes destinées de s’accomplir comme elles auraient dû le faire. Le pire avait été le banquet de triomphe qui avait accompagné la victoire de Björn. Deux thanes avaient été élus, deux prétendants avaient été éliminés, un autre avait trouvé une mort honorable, quoique violente, et le dernier – honte suprême – avait déclaré forfait. Il avait aussi fallu supporter le sourire béat qui ne voulait pas quitter le visage de Björn, ainsi que l’attitude de Snorri et Brigid, qui semblaient, tout à coup, n’avoir jamais eu qu’un seul fils. Et puis la guerre. Le départ vers le Nord, le dernier regard que l’on jette par dessus son épaule vers la citadelle, les derniers reflets d’argent sur le Loch Modan, qu’on ne reverra pas avant longtemps. Tout cela, pendant que celui qu’on croyait son égal restait à demeure, parmi les honneurs et la chaleur de son foyer.

D’un point de vue stratégique, la guerre n’était pas aussi sinistre qu’on avait coutume de le raconter. Les trolls des forêts étaient des créatures particulièrement bornées, qui ne misaient leur victoire que sur des atouts qui n’impressionnaient pas le moins du monde les nains : une force brute qui donnait tout son sens au mot bestialité, et une armée qui défiait l’imagination par sa taille et sa sauvagerie.

De quoi mettre en appétit le goût prononcé de Grispil pour les embuscades et la guérilla. Ce n’est que vingt ans plus tard que Björn, sa formation achevée, rejoignait lui aussi le front. Il avait changé : il était encore plus massif et trapu que dans le passé (si tant est que cela eut été possible), et il brandissait fièrement ses nouvelles armes, une hache et un marteau qui n’inspiraient pas confiance. C’était durant la revue générale des troupes que les deux frères s’étaient entraperçus. Björn escortait Magni, qui félicita Grispil en personne. Un peu plus tard, ils eurent l’occasion de se rencontrer en dehors de toute cérémonie, mais les retrouvailles furent moins chaleureuses que prévues. Björn vint vanter, une fois de trop, les mérites de la garde royale, qui venait délivrer une fois pour toute le Nord de la menace peau-verte. Grispil objecta, arguant que les trolls se tenaient tranquilles depuis bien trop longtemps, et qu’une attaque de front en cette saison serait suicidaire. Des railleries, des cris, un claquement de porte ; en un instant, tout était fini, et les deux frères s’était une fois encore séparés davantage.

Et on avança encore plus vers le Nord, jusqu’aux contreforts des Monts Aerie. Grispil n’avait plus de nouvelles de son aîné, et devait composer avec ce qui se faisait de pire en matière de vanité et de suffisance dans l’armée : les corps d’élite de cavalerie de Lordaeron, nation qui venait d’entrer dans le conflit, et Urgril Marteflamme, qu’on avait eu le malheur de nommer supérieur direct de Grispil et de son unité. Lorsqu’il ne subissait pas les remontrances de ces militaires enlisés dans l’usage de tactiques qui avaient fait leur temps (comment ça, vous avez repoussé le gros des troupes ? Je ne veux pas le savoir, Runargent ! Vous auriez dû vous trouver à l’arrière de notre formation, avec les autres !), Grispil trouvait du réconfort auprès de ses propres hommes, et plus particulièrement auprès des gnomes qui avaient été assignés à l’entretien du matériel et au ravitaillement. L’un d’eux, Lenehan Towley, avait coutume de passer de longs moments avec Grispil, et le réconfortait dans ses déboires avec l’autorité. Comme tous les gnomes, c’était une créature des plus étranges : bien qu’il ait été de loin l’aîné du nain, il aurait pu passer pour un enfant aux yeux d’un humain. Son visage, rond, aux traits profondément marqués, dégageait un air faussement ingénu. Son regard était particulier : interrogateur et direct, mais prompt à briller tout à coup de lueurs malicieuses. Hâve, chétif, tassé sur lui même, il ne semblait être rien d’autre à côté des nains qu’un fétu de paille prêt à s’envoler, et pourtant il faisait preuve d’une présence extraordinaire.

« Lenny ? »

« Hmm ? »

L’aube vient d’étendre son manteau lacté sur le nord de Stromgarde, et au loin, les griffons des Monts Aerie démarquent leurs silhouettes graciles sur un océan de lumière qui darde ses rayons sur la campagne environnante. Les campements s’éveillent peu à peu.

« Un nouveau jour qui se lève, Lenny…Un nouveau pas vers la victoire…et pourtant la mélancolie court le long de mes veines à cette simple pensée. Tu imagines l’accueil que l’on va me réserver, en Ironforge, après les rapports que cet Urgil a rédigé sur mon compte ? »

Les yeux du gnome pétillent, mais son sourire laisse transparaître une grande pitié.

« Mon bon Grispil, je l’ai toujours dit, tu aurais dû naître gnome ! »

« Les gnomes, au moins, ne négligent pas le progrès au profit de croyances dépassées…Tu imagines, si nous pouvions tous voler aussi haut que ces cavaliers griffons, là-bas ? Cette fichue guerre aurait été réglée en moins d’une dizaine d’années. » Il soupire.

« Qu’est-ce qui nous en empêche, brave Grispil ? Tu devrais arrêter de broyer du noir et mépriser ces officiers qui ne savent pas reconnaître ton talent à sa juste valeur », objecte Lenny. « Il sera un jour où le progrès prendra le pas sur les anciennes traditions, c’est inéluctable. Et ce jour-là, tu seras mieux considéré que n’importe quel thane, crois moi. Tu parlais d’une machine volante qui donnerait à Ironforge une force aérienne aussi importante que celle du clan Wildhammer ? Bien ! Bien ! Dès que la guerre sera à son terme, nous la construirons ensemble, ta machine ! Et maintenant, essaye un peu d’oublier la rigueur des gens de ta citadelle, nous avons des trolls à chasser ! »

La machine était lancée. On ne souhaitait pas faire de Grispil un garant des arts guerriers, fort bien, alors il mépriserait cette voie. La guerre trouva une conclusion heureuse, mais la lutte demeura âpre et ce n’est qu’en 506 que les nains revirent enfin le manteau d’albâtre de la Citadelle. Le retour fut agréable. Urgril insista bien sur le mauvais comportement de Grispil durant les manœuvres, ainsi que sur son insubordination. Heureusement pour le clan Runargent, ses allégations ne trouvèrent que peu d’écho parmi les conseillers royaux, car ces derniers étaient plutôt satisfaits des résultats du stratège. Certains parlaient même de créer une guilde de francs-archers dans les années à venir.

Mais chez les Runargent, comme à l’accoutumée, les visées paternelles se heurtaient avec fracas avec les idéaux du fils :

« Brigid, ton fils est incroyable ! Explique moi ce qui me retient de le déshériter sur le champ ! »

« Que se passe-t-il, encore ? »

« On lui propose la place de grand-maître de la Guilde des Francs-archers, on lui offre une carrière militaire en or, et ce drôle trouve le moyen de refuser ! Il me rendra fou ! »

« Mais…pourquoi ? »

« Il s’est mis dans la tête d’entrer dans la guilde des Engingneurs, maintenant ! »
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